Les observations faites à la mi-avril montrent, dans certains marais, des dépôts formant une croûte opaque. Explications et alternatives.
Début avril, avec le début d’exondation dans les parcelles, un dépôt végétal est observé dans certains marais (Brière et marais d’estuaire). L’assèchement consécutif, accéléré par les vents d’est/nord-est d’avril, a amplifié le phénomène déjà observé. Une croûte très compacte est alors apparue.
Le « film » végétal croûté a été ameubli par les précipitations du week-end précédent. Sous la croûte, le couvert prairial est dégradé et en cours de désagrégation. Certaines graminées parviennent à percer le film à l’occasion de petites fissures ou de parties plus minces. Les végétaux les plus développés sont l’agrostis stolonifère et la baldingère (deux graminées) ou encore eleocharis palustris, ainsi que les renoncules rampantes.
À l’intérieur d’une parcelle, des contrastes
On peut observer de nettes différences entre le haut et le bas des parcelles. Dans le bas, plus humide, la végétation est un peu plus dense. Dans le haut, plus sec, le film est encore solide et forme une croûte qui empêche les plantules d’accéder à la lumière.
En effet, dans les endroits les plus humides, l’agrostis se développe correctement car elle réussit à passer au-dessus de la « croûte ». Mais dans les parties les plus hautes de la parcelle, la situation est plus préoccupante car la graminée rencontre des difficultés à fragmenter cette croûte végétale.
Quelles sont les causes de ce dépôt ?
Ce phénomène, déjà constaté dans les marais, est la résultante des fortes précipitations hivernales et de début de printemps prolongées, cumulées avec la douceur des températures et avec le vent très séchant d’est, en mars, qui a contribué à structurer cette croûte. Sa composition est un mélange de végétaux très fins avec des algues et dépôts sédimentaires en suspension qui, en séchant, forme une croûte compacte et opaque.
Plusieurs cas ont été observés (voir les photos ci-dessus) et le retour des pluies en Brière et dans les prairies de l’estuaire a encore fait évoluer les situations.
Début mai, quelle situation pour les marais du Nord de l’estuaire ?
Dans les marais du secteur de Cordemais, la croûte forme un voile opaque et dense qui prive la végétation d’un accès à la lumière. À la différence des parcelles de Brière, il est difficile de voir en dessous un stock de végétation permettant une ressource fourragère. Si certaines dicotylédones (potentille des oies) et cypéracées (carex ovalis et eleocharis palustris) ont réussi à percer la croûte, le cortège de graminées restées en dessous est en état de pourrissement. Cette dégradation est due à la privation de lumière et d’oxygène.
Cette situation ne s’est pas améliorée entre le mois d’avril et début mai. La composante Graminées est très faible pour cette période de l’année : dans une parcelle où le voile de recouvrement était très épais, les graminées ne représentent que 10 % du couvert végétal. Habituellement, dans ce type de parcelle, elles composent 70 à 80 % de la biomasse. Le potentiel de production est donc réellement impacté. Début mai, il reste des traces de ce voile non dilué par les précipitations.
Les graminées agressives (phalaris et glyceria) prennent la place des agrostis alopecurus. À la place des graminées, nous observons le développement des eleocharis et des carex non contraints par l’excès d’eau et la concurrence végétale.
Conséquences
Cette situation est inquiétante car la perte de productivité prairiale sera forte. Les parcelles de fauche en particulier verront leur productivité reculer de moitié par rapport à une année normale.
Les graminées, principale composante fourragère des prairies, sont au mieux peu développées (retard de croissance), au pire pourries sous le voile opaque d’avril où elles s’étaient développées.
De jeunes plantules sont observées mais en densité et développement trop faibles pour former une biomasse récoltable en été.
Les parcelles vont retrouver un couvert avec une biomasse prairiale mais avec des repousses faibles et certainement très hétérogènes ce qui affaiblira la productivité annuelle.
Quelles alternatives ?
Le pâturage sera à privilégier dans les parcelles clôturées car l’action du piétinement limitera l’emprise ou la formation du voile à la décrue. Cependant, la productivité prairiale sera aussi en diminution.
Réglementation
Si vous souhaitez ou avez réalisé un travail superficiel du sol afin de « casser » ou « fissurer » cette croûte et que votre prairie est engagée en MAEC, il est fortement conseillé d’en informer l’opérateur Natura 2000 du site. Ce dernier fera remonter l’information à la DDTM afin d’éviter tout risque en cas de contrôle.
Jean-Luc Gayet
Chambre d’agriculture Pays de la Loire