A Nantes, pour quelques jours encore, se tient le Disgusting food museum. Une exposition de 80 aliments, consommés à travers le monde, mais qui semblent dégoûtants ou délicieux, selon les palais…
« Quand les touristes chinois viennent en France, ils commandent un fromage bien fait, le prennent en photo pour les réseaux sociaux et vont vomir juste après », assurent Andreas Ahrens et Samuel West, les deux suédois créateurs du Disgusting food museum, un musée permanent basé à Malmö (Suède) et une exposition itinérante présentée dernièrement à Nantes (1).
Comment ? Les consommateurs d’œufs de 100 ans, de liqueur de pénis et de chien seraient dégoutés par nos délicieux fromages français ? Et que dire des américains horrifiés par notre consommation d’huîtres et foie gras ? Tandis que nous, bien sûr, jugeons « épouvantable » leur root beer (2)…
On ne mange pas tout ce qui est comestible
Tout ceci est normal : l’alimentation est culturelle. « Dans la nature, beaucoup de choses sont comestibles, mais on n’en consomme qu’un petit nombre.», décrit Gervaise Debucquet, enseignante-chercheuse à Audencia, spécialiste en marketing alimentaire « On ne mange pas tout ce que l’on pourrait manger. Sans que l’on en ait conscience, Il existe des règles, une morale ».
Parmi les choses les plus universellement répandues et dégoûtantes pour les uns ou les autres, on trouve les aliments fermentés. « C’est universel, on fait fermenter des céréales, des graines, des viandes, des poissons, du lait… La fermentation, c’est un équilibre entre le cru et le cuit. C’est un moyen de développer de nombreux arômes à partir de la matière organique ».
Lait pourri ou petits oiseaux fermentés ?
Si les Français sont très attachés à leurs fromages – les plus odorants étant les pâtes brossées et lavées comme l’Epoisses, le Maroilles, le Munster- les pays nordiques sont plus branchés poissons fermentés : requin ou hareng fermentés. Une des recettes les plus dégoutantes selon Andreas vient du Groenland : « Vous prenez un phoque fraichement tué, vous le videz et le remplissez de 500 petits oiseaux. Vous refermez et mettez le tout à fermenter sous terre pendant 6 mois. Ensuite, vous dégustez les petits oiseaux en leur arrachant la tête et en buvant le jus fermenté à l’intérieur. Cela a un goût de gorgonzola ».
Le vivant et le cru
Autre notion qui suscite délice ou dégoût : celle du « vivant » et du « cru ». En France, on la connaît bien avec les huîtres, que l’on consomme vivantes (certains s’en assurent même au préalable en les titillant). « La consommation de cet aliment visqueux, gluant, vivant, cru fait même figure de « rite de passage à l’âge adulte » en France. C’est un vrai patrimoine culinaire », commente Gervaise Debucquet.
L’huître a une symbolique forte : « En la mangeant, on incorpore la mer ». Avec l’huître laiteuse, on touche aussi à une autre symbolique : celle de la reproduction. « Certains sont dégoûtés par la laitance, d’autres adorent ». La consommation, ou non, d’organes sexuels est également très culturelle : par exemple, en France, on consomme surtout des animaux castrés…
On ne mange pas sa famille
Si « nos » huîtres vivantes rebutent beaucoup d’étrangers, nous sommes quant à nous plus circonspects sur la consommation de tentacules de poulpes ou de poissons qui frétillent encore dans l’assiette.
La consommation de cervelle de singe vivant, qui se pratique parfois en Asie, touche un autre tabou en plus du « cru et vivant » : celui des animaux que l’on s’autorise à consommer. Singe, lapin, vache, cochon d’Inde, chien : qu’est-il légitime de consommer ? « Dans ces choix, il y a souvent le tabou du cannibalisme : On ne mange pas son semblable », explique le commissaire d’exposition.
Ainsi, on ne consomme pas nos animaux de compagnie, qui font partie du « cercle familial » et donc sont un peu « nos semblables ». « En Afrique, par exemple, on peut parfois consommer du chien, mais uniquement s’il ne franchit pas la porte de la maison. En France, on consomme du lapin, mais pas du cochon d’Inde. Alors que ce dernier est un met très populaire au Pérou ».
«Avec cette exposition nous avons voulu questionner ce que nous trouvons bon, choquant ou dégoutant », commentent les deux créateurs suédois. Ils recommandent d’aborder leur musée avec « beaucoup d’ouverture d’esprit, comme si on percevait une autre culture».
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(1) Cette exposition gratuite est présentée jusqu’au 3 novembre dans le cadre des « Tables de Nantes, l’évènement », du mercredi au dimanche, de 13 h 30 à 19 h, jusqu’au 3 novembre.
(2) Boisson gazeuse sucrée, aux arômes (chimiques) de sassafras et autres plantes. Pour nos palais français, elle a un goût typique de médicament.