Le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes de Carquefou (44) mène un essai sur la sensibilité aux maladies de légumes, en conditions de baisse de consommation d’énergie dans une serre.
De plus en plus de productions en serre sont réalisées dans le cadre du label Zéro résidu de pesticides. En partant de cette « contrainte », le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) de Carquefou (44) conduit un essai qui durera trois ans pour tester la sensibilité aux maladies et la résilience de la production en réduisant la consommation d’énergie de 30%. Les chercheurs ont présenté les premiers résultats, où ils ont comptabilisé la présence de ravageurs/auxiliaires (pucerons, acariens, thrips, acariens prédateurs…) et marques de maladies (botrytis, didymella, pythium, fusariose, oïdium), dans une serre de tomate (variété Roadie (Rijk Zwaan)). La culture a été menée en protection biologique intégrée (PBI) avec des apports d’Amblyseius swirskii, Aphidius colemani et Encarsia formosa et des traitements (Taegro, Prestop, Armicarb).
-36% sur la consommation d’énergie
Entre les compartiments témoin et ceux économe en énergie, les consignes de chauffage de nuit étaient en baisse et les aérations plus nombreuses de jour, ce qui a entraîné « un fort impact sur les températures de nuit », a expliqué Landry Rossdeutsch, ingénieur CTIFL, avec des écarts de températures de nuit mesurés jusqu’à 2°C. Les écarts jour/nuit ont donc été aussi plus importants en serre économe que dans la modalité témoin.
L’économie globale d’énergie générée est de l’ordre de 47,3 kWh/m2, soit 36% d’économie globale en données cumulées (dans le détail : 22% sur le rail 51 et 46% sur le Forcas).
Quelles ont donc été les réactions des plantes face à ces conditions de culture ? « La conduite économe entraîne un comportement plus génératif, avec un diamètre de tige plus faible, détaille Landry Rossdeutsch. Le développement du fruit n’est pas significativement affecté par la conduite économe, en poids et en pièces produites, aucune différence apparente sur la répartition du rendement par calibre ». Cependant, « l’augmentation de charge en fruits en conduite économe est difficile », ajoute-t-il.
Concernant le suivi sanitaire, il n’a pas été noté de développement différencié des acariens auxiliaires. 26 thrips ont été recensés (21 dans le témoin et 4 en conduite économe). La fusariose a été détectée en conduite économe (3,5% des tiges ont été perdues au total).
Dans les prochains essais, le CTIFL va travailler une utilisation différenciée de l’écran d’ombrage et tester une variété très générative pour voir le comportement de la tomate dans des conditions économes.
Delphine Cordaz
L’économie d’énergie ne compense pas la perte de rendement
Le CTIFL a réalisé un autre test sur la conduite économe en énergie. En modalité témoin, la conduite était classique avec une limitation des températures minimales du réseau Forcas, et un confinement de jour. En modalité économe, outre la limitation des températures minimales du réseau Forcas, le confinement de jour était plus important (+1°C), et une baisse des consignes de température de jour (-1,5°C) et de nuit (-1,5°C). Le tout sur trois variétés de tomate (Xaverius, Trovanzo et Provine). Il a été décidé de maintenir la phase de relance sur toute la campagne pour éviter les phénomènes de condensation.
La perte moyenne de rendement fin mars a été de 1,3 kg/m2 et de 1,9 kg/m2 sur le rendement fin août. Trovanzo affiche le plus grand écart. Les poids moyens de Xaverius et Provine ont augmenté fin août, ce qui a permis de stabiliser les écarts de rendement. Fin août, les pertes moyennes sur le chiffre d’affaires brut sont de 3,8 €/m2 (5,5 €/m2 pour Trovanzo et 2,95 €/m2 pour Xaverius et Provine). Au final, dans cette expérience, les économies d’énergie ne permettent pas de compenser la perte de chiffre d’affaires, accusant un bilan de -0,4 €/m2, fin août. Autre point négatif, les attaques de mildiou et de cladosporiose ont été plus marquées en conduite économe.
Les chercheurs estiment ainsi que « des conduites énergétiques à plus faible consommation (200-220 kWh/m2) sont réalisables sans pénaliser le rendement en privilégiant l’utilisation du réseau en végétation, en abandonnant les stratégies de température minimale des réseaux de chauffage et en valorisant l’apport solaire par un confinement de jour plus important. » Ils ajoutent que certains équipements sont indispensables pour cela : serre haute pour tamponner la température et l’humidité, brassage pour homogénéiser la température et l’humidité, un double écran thermique/ombrage pour maximiser l’économie, un capteur IR pour la température de plante et simulateur de température de fruit pour suivre le risque de condensation et adapter les consignes de température et d’aération.
« Des conduites énergétiques à très faible consommation (150 kWh/m2) sont également envisageables par une baisse des consignes de nuit et un confinement plus important de jour. Elles pénalisent cependant le rendement précoce alors que les cours sont intéressants. Le prix du gaz naturel ne permet pas actuellement de compenser la perte de chiffre d’affaires. Elles nécessitent une attention accrue sur le risque de condensation. Elles impliquent le passage d’une stratégie de réponse optimale aux besoins en température de la plante à une stratégie complètement orientée vers le maintien en bon état sanitaire de la culture ».
Quelles tomates grappes en conduite économe en énergie ?
Au CTIFL, les chercheurs ont souhaité déterminer quelles variétés de tomates grappes (tolérantes à l’oïdium) avaient le meilleur comportement en conduite climatique économe en énergie, en comparaison au témoin Xaverius. Trois variétés parmi les huit testées se sont distinguées en termes de précocité, de rendement total et de qualité : HTL1709405, E15A.42366 et Provine qui présentent des résultats équivalents au témoin. Trovanzo affiche le plus faible rendement par rapport au témoin (-4,4 kg/m2). Grandice a un poids moyen trop élevé (151 g) et des fruits trop hétérogènes en forme. NUN9416 a un calibre inférieur (110 g) et une sensibilité à la nécrose apicale dans la conduite économe. 72-IM6767 et Cibello manquent de vitesse et ont un faible rendement (-6,4 kg/m2).
« La conduite économe en énergie (113 kWh/m2 au 31/08/2023) présente un rendement inférieur de 3,4%, un poids moyen plus élevé de 3,2% et un chiffre d’affaires inférieur de 5,5% (-3,2 €/m2) par rapport à la conduite témoin (170 kWh/m2 au 31/08/2023). Les économies d’énergie (-34%) ne compensent pas la perte de chiffre d’affaires, principalement liée à la perte de précocité et à un rendement plus faible », constate Serge Le Quillec, ingénieur au CTIFL.