Maraîchage - Quels résultats sur les pratiques d’apport massif de matière organique ?

Zoom sur les pratiques d’apport massif de matière organique en système tomate-radis sous serre froide à l'EARL Chatellier.

François Chatellier et son fils Pierre sont très attachés à la fertilité de leurs sols et à leur équilibre biologique. Ils sont ainsi impliqués dans les groupes de producteurs Sol en Vie, Remisol et Dephy Ferme, axés sur la fertilité des sols et la réduction des intrants. En 2021, François décide avec ses fils de se lancer dans des pratiques fortement inspirées du système MSV de François Mullet (ver de terre production), par lequel il a été accompagné.

L’EARL Chatellier comporte près de 3 ha de serres froides. Elles sont cultivées en tomate l’été et radis l’hiver. Le passage à un système d’apports massifs de matière organique a débuté en 2021 avec un premier essai sur une chapelle.

Le passage à un système d’apports massifs de matière organique avait pour objectif de diminuer la dépendance vis-à-vis des engrais de synthèse, de lutter contre les nématodes phytopathogènes (problème alors important sur l’exploitation), d’améliorer la vie du sol et de maintenir les vers de terre en vie.

Les réserves initiales dans le sol étaient importantes pour tous les éléments nutritifs. Pour fertirriguer au plus près des besoins des plantes, des analyses de sol sont faites tous les mois et des analyses de feuilles tous les quinze jours. Les apports de fertilisants dans l’irrigation ont été divisés par deux en 2023 par rapport à 2022.

Compost puis broyat

La première année, seul du compost de déchets verts était amené. Les années suivantes, le choix a été fait d’ajouter du broyat de déchets verts en surface, pour nourrir les organismes vivants du sol. En 2022, cela concernait 4 500 m² puis la pratique a été généralisée sur l’ensemble des serres à partir de 2023. Les populations de nématodes phytopathogènes sont désormais maîtrisées et les vers de terre bien présents.

Aujourd’hui, les matières organiques apportées sont du BRF, du compost de déchets verts et du fumier de bovin. Les trois matières ne sont pas systématiquement présentes et les quantités sont variables selon les années et les chapelles mais sont approximativement :

• 2022 : BRF à 50 t/ha, compost à 150 t/ha ;
• 2023 : BRF à 50 t/ha, compost à 200 t/ha, fumier à 50 t/ha ;
• 2024 : BRF à 50 t/ha, compost à 30-40 t/ha, fumier à 50 t/ha.

Les apports de matière organique sont faits avant la plantation des tomates. Les buttes sont formées à l’aide d’une butteuse à asperges (à la charrue sur les chéneaux). Du compost de déchets verts et éventuellement du fumier de bovin sont apportés en premier, puis le BRF est apporté en localisé et en surface sur la butte à l’aide d’un épandeur à fumier Rabaud.

Les analyses de sol permettent de raisonner les apports. Par exemple, en 2024 dans la serre 1, il n’y a pas eu d’ajout de compost car le sol était déjà très riche en calcium et présentait donc un risque d’excès en cas d’apport.

Pour favoriser la vie du sol sur toute la surface, des aspersions sont réalisées jusqu’à fin avril avec les asperseurs pendulaires au-dessus de la végétation. Cette technique est inspirée de pratiques observées aux Pays-Bas. Là-bas, elle y est mise en œuvre via un système de micro-asperseurs sous frondaison qui est utilisé pour mouiller intégralement le rang sans mouiller le feuillage. Le système est soit pendulaire, soit posé au sol avec des tiges d’asperseurs très courtes. Si l’humidité est suffisante, le BRF est entièrement décomposé à la fin de la culture. 

Le paillage plastique utilisé n’est pas biodégradable pour ne pas coller aux fruits au sol durant la culture. Il était intégral jusqu’en 2023 et les feuilles coupées étaient sorties après chaque taille. En 2024, le paillage intégral a été abandonné au profit d’un paillage uniquement sur le rang et les feuilles sont laissées dans les passe-pieds. L’enherbement des passe-pieds est géré à la tondeuse. 

La fertilisation est ajustée en fonction d’analyses du laboratoire NovaCrop sur jeunes et vieilles feuilles. Elles sont réalisées toutes les deux semaines. L’échantillonnage est fait sur la plus jeune feuille adulte et une vieille feuille. Le raisonnement de la fertilisation se fait ensuite à l’élément, de manière différente en fonction de sa dynamique dans la plante et dans le sol.

À la fin de la culture de tomate, en octobre, les goutte-à-goutte sont retirés, les fils sont coupés et l’ensemble culture, fils et clips sont sortis au télescopique et mis en tas à l’extérieur. Les fils sont en coton et les clips en amidon. Ils sont thermo-dégradables. Le tas est couvert pour permettre la montée en température et la dégradation des supports de culture. Le compost obtenu est épandu en plein champ.

Après la culture de la tomate, la matière organique est incorporée en plein par un passage de covercrop. Puis, cinq planches par chapelle sont formées pour accueillir les radis.

Les apports massifs de matières organiques de François lui ont permis de réguler ses populations de nématodes phytopathogènes et de diviser son utilisation d’engrais de synthèse par deux.

Chauffage bioclimatique

En 2024, un essai de chauffage bioclimatique était conduit sur 800 m². Il s’agit du système ThermiTube qui se présente sous la forme d’une gaine souple de 500 μm, de couleur noire, remplie d’eau. Le principe est de stocker l’énergie solaire durant la journée et de la restituer durant la nuit. La température est ici suivie par plusieurs sondes à des niveaux différents. Les ThermiTubes ont permis de gagner 2°C au sol la nuit cette année et la société estime que le gain aurait été de 5°C si la demi-chapelle concernée avait été confinée (la chaleur se diffusant aux chapelles voisines non équipées). En pleine chaleur, ils ont également permis de réduire la température de quelques degrés. Il n’y a pas eu de mildiou dans la zone équipée de ThermiTube alors qu’il y avait une forte pression autour.