Entretien avec Samuel Bodet, président de la commission apicole de la FRSEA, sur la récolte de miel en 2021. Le bilan est attendu fin septembre dans la région.
Au niveau national, on annonce une production de miel en baisse cette année. Qu’en est-il dans notre région ?
Samuel Bodet : Aujourd’hui, il est difficile d’avoir une estimation régionale, car selon les secteurs, les apiculteurs sont encore dans leur récolte.
D’une façon générale, l’année a été compliquée. Un printemps plutôt sec, suivi de précipitations. Les températures n’ont pas été favorables aux miellées, surtout celles du printemps sur le colza, les pissenlits, les aubépines… On a eu un vrai manque. Sans être en famine, les colonies d’abeilles ont appliqué une autosuffisance : pas de récolte pour les apiculteurs, mais un entretien des réserves dans les ruches. Par la suite, on a eu un potentiel de miellée de châtaignier, de trèfle et de ronces extraordinaire (biodiversité développée). Mais en mai et juin, même chose : on a manqué de chaleur au point de n’avoir quasi pas de récolte de miel toutes fleurs. Pire, dans certains secteurs, il a fallu nourrir les colonies pour éviter qu’elles meurent de faim.
La mauvaise météo estivale a-t-elle exercé une influence sur cette situation ?
S. B. : Oui. Fin juin et début juillet, les températures insuffisamment élevées et la pluie ont joué sur la récolte. Les abeilles - « filles du soleil » - sortent dès qu’il fait au moins 14°C ; en été, elles sortent normalement des ruches le matin, dès 6h30 et jusqu’à 22h. Or, cet été, avec les fraîcheurs matinales, elles n’ont commencé à travailler qu’à partir de 10h du matin jusqu’à 18h. D’où une très nette baisse de leur production de miel. C’est ce qui va nous manquer à la fin de l’année. On va se rapprocher de la moyenne des pertes nationales estimées par Philippe Lecompte, président du réseau Biodiversité pour les abeilles : à savoir 7-8 kg de miel par ruche, soit moins 20 à 30 % de production. On sait que le climat peut avoir influer, et que près de l’océan où cela se réchauffe plus vite, on a eu du beau temps et des miellées assez fortes sur très peu de jours, des « miellées flash » !
Dans la région, depuis des années, on a l’avantage d’avoir travaillé avec les agriculteurs sur les couverts végétaux ou Cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan). On était en essais depuis longtemps avec le programme Agrapi, pour semer ces couverts de plus en plus tôt (avant même la récolte de blé ou d’orge), soit à la volée, soit par drone. Au 1er septembre, on a déjà des phacélies et des moutardes en fleur dans notre secteur, végétaux propices à nos abeilles surtout si on a un été indien et de belles températures. Sans parler de récolte, les colonies vont pouvoir faire du stockage hivernal avec ces couverts mellifères. Chaque apiculteur devra être vigilant, surveiller et, au besoin, les nourrir en hiver.
Face à cette baisse de la production en France, on parle d’un plan national d’aide pour les apiculteurs. Les apiculteurs ligériens sont-ils concernés ?
S. B. En tant qu’élu régional, j’attends les retours des collègues. On peut activer le plan de calamités agricoles pour la filière, déjà déclenché en 2013 et en 2016. Cette reconnaissance se fait au niveau départemental ou régional, et ce plan vient d’être déclenché dans certaines régions où les récoltes sont achevées, avec de faibles rendements. Chez nous, d’ici fin septembre, on saura si on monte les dossiers de demande, au vu des retours et du bilan de l’enquête menée auprès des apiculteurs, pour connaître l’ampleur des pertes. En gardant en tête la solidarité nationale pour privilégier les professionnels les plus impactés.
Yvelise Richard
