Salon - « Il faut se préparer à l’évolution avec l’intelligence artificielle »

L’intelligence artificielle en agriculture était le sujet de la conférence inaugurale de Tech Élevage. Déjà très présente dans plusieurs applications professionnelles, elle nécessite de mieux la cerner.

Dans la salle de conférence, à l’écran, une tablette pas du tout numérique. « Elle est en argile et date de 5 000 ans », indique Mehdi Siné, directeur général de l’Acta-les Instituts techniques agricoles*, invité de cette 12e édition de Tech Élevage, salon de l’innovation au service de l’élevage. Alors quid de ce carré de terre mésopotamien pour introduire le sujet de la conférence inaugurale sur les usages de l’intelligence artificielle (IA) au service de l’agriculture ? « En choisissant de parler de l’IA, nous avons voulu piquer votre curiosité, introduit Jordy Bouancheau, président de Tech Élevage, car il ne faut pas en avoir peur, mais la connaître afin qu’elle soit au service de l’agriculture ».

Sur cette tablette antique, les signes gravés sont en fait « un inventaire de cheptel », dévoile Mehdi Siné. Ainsi, l’agriculture n’a jamais été très éloignée de la donnée et c’est le lien avec l’IA. Cette nouvelle technologie numérique n’est rien sans données captées dans les usages. « Vos exploitations agricoles (via la station météo, le robot de traite, etc.) sont des gisements de données », rappelle le directeur d’Acta et « il existe déjà beaucoup d’exemples d’utilisation de l’IA en agriculture » : à travers les outils d’aide à la décision notamment, le comptage des épis dans une parcelle ou des poulets dans un bâtiment ; le phénotypage par imagerie 3D (modélisation des bovins). « On va donc vers une évolution des métiers, il faut s’y préparer », avertit Mehdi Siné sans mauvaise augure car « l’IA ne fera pas disparaître celui d’éleveur, elle l’accompagnera ». 

Paresse 

Plusieurs acteurs du monde agricole travaillent à l’élaboration d’une IA spécifique afin de garantir une meilleure qualité des résultats et la préservation des données. « Une IA française souveraine entraînée sur des contenus agricoles », résume l’expert, pointant un des biais de cette révolution numérique. La confidentialité et la gestion des données ne sont pas garanties et confiées à des entreprises privées étrangères. « La paresse cognitive est selon moi le sujet le plus important », concède Mehdi Siné. Confier une activité intellectuelle à un outil technologique serait à la fois une évolution inédite et dangereusement dégénérative. Le directeur d’Acta listera ainsi plusieurs points de vigilance pondérant toute tentative d’engouement inconditionnel : l’impact environnemental (une requête via une IA requiert trente fois plus d’énergie qu’une recherche classique) ; la mobilisation d’une armée de travailleurs employés dans des conditions préoccupantes et peu gratifiantes ; la dégradation de la qualité générée par l’IA ; l’opacité des modèles utilisés ; l’accès inégal à l’outil ; la réduction de la diversité créatrices... 

… et Mercosur

« L’élément primordial est d’identifier les besoins et attentes des utilisateurs et de se former », conclura le directeur général d’Acta. Le nouveau rendez-vous Agreen Défi inscrit au programme de Tech Élevage cette année amorce cette problématique : étudiants, professionnels des organismes agricoles, agriculteurs étaient invités à lister les préoccupations sur lesquelles des applications d’IA pourraient intervenir. 

Ce mardi matin, élus, préfet, invités nationaux ont parcouru le salon à la découverte de ses originalités, échangeant avec les exposants et partenaires. Les discours bouclant ce tour de piste ont été l’occasion d’appuyer les inquiétudes du monde agricole quant aux négociations du Mercosur. « Le Président de la République, le gouvernement, le Premier ministre : tous veulent trouver une solution pour convaincre nos alliés européens de faire évoluer les négociations », soulignera le représentant de l’État, Gérard Gavory. Reste à savoir si dans les allées de Tech Élevage l’affirmation aura été entendue et aura… rassuré. 

Catherine Baty