De fortes difficultés à s’approvisionner en matières premières, des délais de livraison de matériels agricoles qui explosent et des prix qui flambent. C’est l’autre effet de la pandémie en 2021.
Malgré la crise Covid qui désorganise l’économie mondiale depuis deux ans, 2021 reste paradoxalement un bon millésime pour l’agroéquipement en France. Au second semestre, le Sedima*estime la hausse des prises de commandes (en valeur) à 6 % pour le matériel neuf et à 8% pour le matériel d’occasion**.
Les marchés grandes cultures et polyculture élevage portent la croissance du matériel neuf. Globalement, toutes les catégories de matériel ont bénéficié de ce dynamisme. Ces résultats peuvent surprendre quand on connait les difficultés d’approvisionnement pour de multiples matières premières et les délais de livraison qui se sont considérablement allongés. Décryptage avec Véronique Gloria ***, membre exécutif du bureau national du Sedima et présidente de la fédération Pays de la Loire.
>> Quels sont les délais de livraison aujourd’hui pour le matériel agricole ?
« Ces délais de livraison peuvent aller jusqu’à un an, voire plus, notamment pour les tracteurs et les automoteurs, même si cela dépend des fabricants. Ces difficultés d’approvisionnement proviennent de la pénurie de composants électroniques, d’acier mais aussi de caoutchouc et de plastique. Ces tensions, qui impactent aussi les pièces, datent surtout du dernier trimestre 2021. »
>> Comment les constructeurs se sont-ils adapté ?
« Ils privilégient désormais la fabrication du matériel que le distributeur a déjà vendu au client par rapport au matériel commandé pour le stock de la concession, précise Véronique Gloria. Cela a permis de ramener les délais à six / neuf mois. Ces délais semblent aujourd’hui se stabiliser, quel que soit le matériel ou le type de production agricole. »
>> Ces retards de livraison, dus à la rareté de certains produits ou matériaux, ont cependant provoqué une flambée des prix depuis le printemps dernier. Vous pouvez nous en dire plus ?
« Pour du matériel tubulaire, comme des barrières pour les animaux, sans trop de technologies, la hausse est de 30 à 40%. Quant aux pièces vendues en magasin, comme les composants électroniques, les pneus, l’huile ou encore les films et ficelles pour les bottes de foin, la hausse peut aller jusqu’à 20 %. Idem pour les pièces d’usure. Pour limiter l’effet de cette inflation, des professionnels ont pu essayer de consolider leurs stocks. Mais chaque demande de client est particulière et il faut que les trésoreries suivent. »
>> Les difficultés d’approvisionnement en matériel neuf ont des conséquences sur le marché de l’occasion. Lesquelles ?
« Le cycle de vie du matériel s’allonge forcément. Les pannes peuvent être plus fréquentes. Le chiffre d’affaires de pièces magasins (en quantité et en valeur) est en hausse, tout comme celui des ateliers. Le stock du parc d’occasion n’a jamais été aussi bas : les prix devraient donc logiquement augmenter. »
>> Et comment se profile 2022 ?
« Le marché du machinisme agricole reste dynamique en ce début d’année. Mais on ne sait pas quand nous pourrons livrer et donc facturer la marchandise. Cela risque de poser des problèmes de trésorerie pour certaines concessions. La bonne nouvelle serait une accalmie sur le front épidémique qui pourrait apaiser les tensions sur les approvisionnements et donc sur les prix. »
* Syndicat national des entreprises de service et distribution du machinisme agricole, d’espaces verts et des métiers spécialisés (élevage, irrigation, viticole-vinicole...).
** Enquête de conjoncture du Sedima menée auprès des adhérents entre le 29 septembre et le 15 octobre 2021.
*** Elle est également P.-DG du groupe Suoma -Dubourg.