Conjoncture - « Associer agriculture et agroalimentaire, c’est la clef »

La coopérative Terrena maintient un rythme soutenu de ses investissements avec un intérêt marqué pour l’aval.

« Très belle résilience ». À la présentation des résultats économiques de Terrena, les trois mots sont répétés par Éric Forin, directeur général de la coopérative qui a succédé à Alain Le Floch il y a presque un an. Son président Olivier Chaillou (agriculteur angevin) exprime le même contentement alors que « l’année a connu de fortes perturbations météorologiques, politiques et sur les marchés. » Le chiffre d’affaires de 5,58 milliards d’euros est en légère progression (5,49 milliards en 2023) : les filières monogastriques et ruminants associées au pôle nutrition animale restent le plus gros pilier du groupe avec 2 199 millions d’euros ; 1 251 millions pour les activités aval porcine, ovine et bovine (Holvia Porc et Elivia) ; 985 millions d’euros dégagés par Galliance (volailles). « Constat important, souligne Éric Forin, 30 % de ce chiffre d’affaires sont issus de nos marques (La Nouvelle Agriculture- qui réalise 99 millions de chiffres d’affaires ndlr, Douce France, Père Dodu, Ackerman) et celles de réputation qui alimentent les professionnels de la restauration et les industriels ». Dans ce bilan 2024 il sera d’ailleurs souvent question d’agroalimentaire. « L’enjeu est clair, donner du sens à l’agriculture et à l’alimentation de demain, en conciliant performance économique et engagement sociétal (…) Associer agriculture et agroalimentaire, c’est la clef pour offrir des produits différenciants, accessibles … », dira encore le DG. 

Proche du consommateur

En 2024, la coopérative d’Ancenis a affiché cette stratégie de renforcement du maillon final par plusieurs acquisitions. Elles expliquent le fléchissement du résultat net, passé de 31,4 millions en 2023 à 29,6 millions en 2024. Terrena a misé sur Tipiak (1300 salariés). « Le développement de sa gamme épicerie (céréales, couscous…) nous intéresse particulièrement pour bâtir une filière céréales avec une marque forte très proche des consommateurs », précise Éric Forin. La coopérative a prévu 9,2 millions d’euros de travaux sur les sept sites Tipiak. 

Terrena a aussi consolidé sa présence sur le marché des œufs en devenant l’actionnaire unique d’Ovalis (Pampr’Oeuf) dont elle possédait déjà 49 % des parts depuis 2023. Le rachat de Volatys (distribution de produits de volaille surgelés en France et en Europe) s’ajoute à cette vague d’acquisitions. Plusieurs partenariats d’approvisionnement doivent également permettre de consolider la filière viande bovine : collaboration avec la Maison Thiriet pour les produits surgelés ; avec Compass Groupe pour la restauration collective. Concernant les volailles, un accord a été conclu avec Convivio Restauration, acteur de la restauration collective. 

Aide aux gros projets

En amont, Terrena maintient « sa trajectoire d’investissement soutenu ». La coopérative réaffirme des objectifs chiffrés à cinq ans et définis depuis 2023 : +40 millions de litres de lait ; +100 nouveaux bâtiments d’œufs plein air ; +42 000 places d’engraissement de jeunes bovins ; +50 bâtiments en volailles de chair. « On recherche de tout ! », synthétise Olivier Chaillou démontrant l’appétit de la coopérative pour son activité production. Le groupe a lancé un fonds d’investissement de 20 millions d’euros (sur cinq ans) afin « d’accélérer les projets d’un montant d’investissement supérieur à 1,5 million d’euros », précise le président. Ce fonds s’exprimera sous la forme « d’une prise de participation temporaire et minoritaire de Terrena dans le capital des exploitations candidates (dans la limite de 20 % pour maximum dix ans) ». 

Agriculture de régénération 

La coopérative appelle les agriculteurs à relever les défis du changement climatique « en profondeur » en faisant évoluer leurs pratiques et par la préservation des ressources naturelles (notamment sols et eau). Terrena propose à ses adhérents la mise en place d’un indice de régénération, en lien avec l’association Pour une Agriculture du Vivant. Il évalue le niveau agroécologique global de l’exploitation. « C’est un sujet qui passionne », constate déjà Éric Forin qui ambitionne 250 exploitations engagées dans un an, 1000 d’ici 2028. 

Parmi les gros chantiers 2025, Terrena annonce notamment la modernisation des silos (23,5 millions en 2025 sur plan de 180 millions sur huit ans) ; 4,8 millions consacrés à l’évolution de bâtiments de poules pondeuses « vers un modèle plus vertueux et plus durable » ; 6,9 millions fléchés sur une nouvelle salle des machines de l’abattoir Elivia de Villers-Bocage (Calvados) ; 3,5 millions d’euros pour la reconstruction du site breton Inveja(2) qui a subi un incendie en septembre. En 2024, Terrena avait racheté deux usines Nutréa (nutrition animale) ; ainsi que, par sa filiale Cérience, la société Vandinter Semo, entreprise néerlandaise spécialisée dans la sélection de crucifères antinématodes (radis fourrager et moutarde). Elle possède un centre de recherches et une usine au nord des Pays-Bas. 

L’assemblée générale de la coopérative aura lieu mardi 3 juin. Il sera alors proposé aux administrateurs de voter l’attribution aux adhérents de 7,9 millions d’euros issus du résultat 2024 (7,5 millions reversés sur l'exercice précédent).

Catherine Baty